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Illustrations pour un conte de stf*(terebentine-AT-hotmail-DOT-com)

C’est l’histoire d’un homme très grand et très beau qui attirait malgré lui tout ce que son entourage comptait de femmes grandes et belles. Son petit nom était Murphy et l’on se demandait bien comment celui-ci avait atteint la taille qu’on lui connaissait, puisqu’il s’était exclusivement nourri depuis l’enfance de biscottes par paquets. Murphy tentait vainement de tenir ses prétendantes à distance : elles étaient en effet toutes persuadées d’arriver un jour à leurs fins et ne reculaient, dans ce but, devant aucune audace.
Seule une demoiselle troublait notre géant, et celle-ci était incroyablement petite. La minuscule femme désirait ardemment elle aussi attirer le regard du géant, mais elle était persuadée que de là où il était il ne pouvait pas la voir. Pleine de témérité à cette pensée, elle s’approcha de lui de plus en plus souvent, en toute impunité, pour voler au passage des odeurs de son corps.
Un jour, profitant d’une accalmie due au passage dans la ville d’un vendeur de vêtements pour femmes de grande taille, Murphy attendit que la petite femme vienne vers lui comme elle avait pris l’habitude quotidienne de le faire. Il gardait un œil discrètement tourné en sa direction en embuscade. Lorsque la petite femme s’approcha, Murphy plia son grand corps en deux très discrètement jusqu’à ce que sa tête atteigne la hauteur de celle de la petite femme, ce qui prit un temps certain. Cette dernière se trouva extrêmement embarrassée d’être prise en flagrant délit de vol d’odeurs.
Le géant répondit à ses rougissements par un regard plein de tendresse et d’amour et lui offrit une biscotte qu’ils croquèrent ensemble en faisant beaucoup de bruit avec leur bouche, le soir même, à la lueur des lucioles.
Murphy et sa petite fiancée restèrent longtemps dans l’innocence et l’enthousiasme qui caractérisent la totalité des premières histoires d’amour, faisant bouillir de jalousie toutes les prétendantes maintenant réunies en organisation visant à lutter contre la monogamie de Murphy, organisation qui avait des relents de racisme envers les personnes mesurant moins d’1 m 20. L’organisation décida également un boycott des biscottes en signe de protestation. Le géant ne supportait pas tant d’agressivité revendiquée à l’égard de son couple et s’évertuait à protéger sa belle des cyniques attaques de ses rivales. Celles-ci avaient en effet pris l’habitude de revendiquer leur mécontentement par de bien basses démonstrations de force, comme le lancer de soutien-gorge sur le passage du couple. Soutien-gorge qui aurait pu accueillir avec plus de justesse les fesses de la petite femme plutôt que ses seins.
Mais Murphy n’arrivait pas à contrer toutes les attaques, car sitôt qu’il se tenait bien droit, il y en avait toujours une pour profiter du temps dont il avait besoin pour se baisser pour faire une crasse à la petite femme, des croche-pieds la plupart du temps, si bien que la petite femme avait toujours des bleus sur les genoux et la paume des mains égratignée.
La tristesse de la petite femme n’avait d’égal que le sentiment d’injustice qu’éprouvait le géant à voir sa bien-aimée maltraitée sans qu’il puisse y faire quoi que ce soit. Même les bouquets de biscottes, qu’il ne manquait pas de lui offrir régulièrement, ne parvenaient plus à mettre un peu de joie dans ses yeux.
Il aurait voulu être petit et large, très large pour pouvoir faire le tour complet de sa petite femme avec son propre corps. Il voulait se faire rempart humain à la méchanceté des jalouses. S’il n’était pas capable de ça par amour, alors il ne méritait pas sa petite femme, car c’était bien à cause de lui qu’elle essuyait tant d'humiliations. Et une décision de géant n’étant jamais prise à la légère, celui-ci l’appliqua derechef. Murphy commença donc un régime draconien afin de gagner en poids et en largeur, il entreprit également de porter toujours sous son chapeau à larges bords des lingots de plomb afin de perdre un peu de hauteur.
Le stratagème semblait bien fonctionner au départ et le géant épaississait, rapetissait à vue d’œil, à la grande joie de sa petite femme et à l’étonnement non moins grand de ses rivales.
Mais un jour que l’une de ces dernières allongeait sournoisement sa jambe en travers du chemin par lequel passaient les amoureux, Murphy, qui avait le nez en l’air, occupé à redresser les bords de son chapeau, trébucha sur l’obstacle et les os de son corps, fragilisés par leur tassement, se rompirent et le gros géant s’étala tout droit sur sa petite femme qui mourut écrasée.

Fin*


* De ce jour, en hommage à Murphy, les biscottes prirent l’habitude de toujours tomber du côté de la confiture, tradition qui se transmet de génération de biscotte en génération de biscotte, et ce jusqu’à nos jours.